Patrimoine disparu
L'ancienne église
Au XIIIe siècle, une petite chapelle s’élevait sur l’actuelle place Deschamps: au niveau du parking, entre l’avenue Kennedy et la rue Deschamps. C’était le secteur le plus élevé du village, proche du lieu où les premiers habitants avaient dû s’établir alors que vers l’an mil, les eaux du lac arrivaient non loin de là.
Au milieu du XVIe siècle, on restaura le bâtiment en y ajoutant une annexe dans le sens de la longueur. En arrière du cimetière, sans doute le tout premier de la commune, c’était un petit édifice bas que l’humidité n’aura de cesse de défigurer et qui subira au fil des ans de nombreuses réparations souvent faites dans l’urgence.
La dédicace fut faite le second dimanche de juillet de l’an 1555 par Charles Boucher, évêque de Mégare et abbé de Saint-Magloire à Paris. Il officiait en vertu de la permission accordée aux Curé et Marguilliers par Eustache de Bellay, évêque de Paris.
Mégare étant une ville célèbre dans la Grèce antique, proche de Corinthe, Charles Boucher était un évêque auxiliaire in partibus infidelium (dans les contrées des infidèles) et, en fait, titulaire d’un diocèse disparu. Il était donc affecté d’un titre honorifique, simplement là pour justifier son rang et remplacer l’évêque de Paris lors des nombreuses bénédictions à accomplir loin de la capitale.
Dans l’église, le prélat y bénit quatre autels et fixa l’anniversaire de la dédicace au second dimanche de juillet des années suivantes. Plus tard, la population augmentant, on construisit les chapelles des bas-côtés.
Fidèle à la mémoire de ses ancêtres maternels, le Maréchal Catinat fit élever ou entretenir dans l’église divers monuments funéraires. On en retrouve partiellement les épitaphes dans le premier volume de l’Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris (document en accès restreint – réservé aux peronnes enregistrées). Les textes en italiques suivant reprennent in-extenso les termes de son auteur: l’abbé Lebeuf.
Dans le cœur, la première sépulture accueille les restes du grand-père du Maréchal. C’est une tombe de marbre noir sur laquelle est inscrit: Sous cette tombe reposent les dépouilles en attendant la résurrection de Maistre Jacques Poille Seigneur de Saint Gratien Conseiller en la Cour du Parlement, Fondateur de cette Chapelle; qui y ont été apportez de sa maison de Chaiz-en-Poitou où il est décédé en 1623. Par cette même épitaphe, on apprend qu’il avait eu pour épouse Catherine Tiraqueau, fille d’André Tiraqueau, que François 1er tira du Poitou pour le nommer conseiller au parlement; qui eut trente enfants, et qui a fait trente et un livres fort estimez. Sur la pierre, il est aussi fait mention de Guillaume Poille, son fils. Il est lui aussi conseiller au parlement, et décrit comme très-fidèle au Roy mais mort en pleine jeunesse, en 1651.
La seconde tombe est celle du frère de Jacques Poille, prénommé, lui aussi, Guillaume. L’épitaphe le qualifie de profond et éloquent Prédicateur, bienfacteur de la Chrestienté par ses écrits. Mort en 1673, il fut Prieur de Saint Pierre d’Abbeville.
Olive de la Chesnaye, arrière-grand-mère du Maréchal et mère de Jacques Poisle, repose dans une troisième tombe. L’épitaphe indique: Cy gist Noble femme Olive de la Chesnaye, en son vivant femme de Noble homme Maistre Jean Pille (ou Poille?) procureur du Roy en son Bailliage du palais à Paris, qui trépassa le vij de Novembre MVCXXX. Fille de Nicolas de la Chesnaye, Olive était la femme de Jean Poisle, maître d’hôtel de Louis XI. L’histoire raconte qu’il refusa les présents que le Duc de Bourgogne lui fit offrir pour permettre qu’on empoisonnât le Roi. Sa mère était Etiennette Budé, sœur de Guillaume Budé, maître des requêtes et écrivain renommé à cette époque.
En 1712, la chapelle du côté du nord accueilli la tombe de marbre noir et le mausolée du Maréchal. Quelques éléments de ce monument se retrouvent dans la chapelle gauche de notre église actuelle.
Le 5 juin 1786, l’archevêque de Paris édicte une ordonnance afin de procéder à diverses réparations. On trouve dans les archives ecclésiastiques (liasse G.918) les précisions suivantes: la voûte du sanctuaire sera à refaire à neuf; … on refera redorer le tabernacle, repeindre le retable de l’autel et réparer la boiserie du sanctuaire… on fera faire un tableau neuf pour un maître autel… les murs de la nef seront incessamment recalés et renduits par le bas pour remédier à la dégradation que cause la trop grande humidité…
Au milieu du XIXe siècle, la rue donnant accès à l’édifice s’appelle rue de l’église. Elle prendra ensuite le nom de rue Mathilde avant d’être baptisée rue Deschamps. On y trouve aussi le presbytère et la toute première mairie-école. A cette époque, le cimetière a été transféré rue d’Epinay. Pour aller aux offices, les fidèles empruntent le corridor de la mairie et descendent quelques marches pour entrer dans l’église.
Voyant les murs se lézarder et le bâtiment en voie de s’écrouler par trop d’humidité, la princesse Mathilde, en 1857, prend l’initiative de faire construire une nouvelle église. Derrière l’ancien édifice, un terrain nu (le potager du presbytère?) se prolonge jusqu’à la rue de derrière les haies. C’est sur celui-ci que l’on entreprend la nouvelle construction. Pendant un court moment, les chœurs des deux monuments se trouvent dos à dos. L’ancienne église étant correctement orientée vers l’est, la nouvelle voit ainsi son chœur éclairé par le coucher du soleil.
En 1860, une fois les travaux terminés, le vieux bâtiment doit être démoli On fait alors des fouilles afin de retrouver les restes du Maréchal Catinat et de sa nièce. Selon M. Mignon, l’instituteur, on met également à jour sept cercueils en bois précieux renfermant les ossements d’ecclésiastiques avec crosses et mitres. C’était sans doute des abbés commendataires du prieuré de Conflans-Sainte-Honorine qui possédaient la terre de Saint-Gratien avant que la famille Poisle ne l’acquiert. Ils auraient été inhumés là, à l’époque de la première chapelle, vers le XIVe siècle.
Dans le régime de la commende, un abbé commendataire est un ecclésiastique, ou quelquefois un laïc, qui tient une abbaye in commendam, c’est-à-dire qui en perçoit les revenus et qui, s’il s’agit d’un ecclésiastique, peut aussi exercer une certaine juridiction sans toutefois exercer la moindre autorité sur la discipline intérieure des moines.
Les pierres de l’ancienne l’église servirent à la construction de l’ancienne mairie. Aujourd’hui démolie, celle-ci jouxtait le pavillon. Il se peut donc que certaines pierres fussent entreposées puis oubliées. Tout comme le vieux carrelage qui a été en partie réutilisé pour la terrasse actuelle.